Dernière génération des Thérapies Comportementales et Cognitives 

Les thérapies comportementales et cognitives, dites « TCC », regroupent des approches psychothérapeutiques ancrées dans la psychologie scientifique. Elles sont basées notamment sur les théories de l’apprentissage et les connaissances des neurosciences cognitives. Elles sont recommandées, seules ou en adjonction d’une médication, dans le traitement de l’ensemble des troubles psychiatriques. La première génération de thérapie proposait un travail comportemental ; la deuxième y a ajouté un travail cognitif (i.e. sur les pensées et représentations). La dernière, très récente, intègre un travail sur les émotions et les valeurs de vie. La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement dite « ACT », thérapie de troisième vague, offre ainsi un panel d’outils complémentaire aux TCC des deux premières générations. L’ACT bénéficie d’une solide base empirique et de données scientifiques démontrant son efficacité pour de nombreux troubles psychologiques et comportementaux (Hayes et al., 1999). Les résultats de trois méta-analyses conduites entre 2006 et 2009 démontrent une supériorité de l’ACT sur les conditions contrôle chez les patients traités pour des troubles variés tels que les troubles anxieux, la dépression, la psychose, le TOC ou encore la douleur chronique (Dalrymple et al., 2010). Deux de ces méta-analyses démontrent une supériorité de cette approche sur les traitements établis (Hayes et al., 2006 ; Ost, 2008). D’autres études montrent des résultats bénéfiques de l’ACT aussi bien au niveau de l’amélioration des paramètres du sommeil que de la qualité de vie des patients (Dalrymple et al., 2010 ; Hertenstein et al., 2014 ; Hubbling et al., 2014). La pratique de la pleine conscience améliore la qualité du sommeil (Winbush et al., 2007). Le programme de Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR), à visée de gestion du stress, a même été adapté à l’insomnie (i.e. Mindfulness-BasedTherapy for Insomnia, MBTI) afin de réduire l’état d’hyperéveil caractéristique de cette pathologie (Ong et al., 2012). Les auteurs de ce livre ont validé l’ACT pour la prise en charge de l’insomnie chronique dans une étude pilote parue récemment (Chapoutot et al., 2020).

L’ACT est une thérapie contextuelle et fonctionnelle : son but est de favoriser les comportements d’une personne en accord avec ses valeurs fondamentales, c’est-à-dire les personnes et les choses vraiment importantes pour elle, dans les différents contextes de sa vie. Elle est basée sur le modèle du néo-comportementalisme et de la psychologie contextuelle. Elle ancre ses fondements sur les bases de la théorie des cadres relationnels, théorie visant à répondre aux critiques adressées aux propositions comportementales de Skinner sur la compréhension du langage. L’ACT suggère que la souffrance engendrée par nos problèmes, les expériences déplaisantes que nous vivons, est exacerbée par l’évitement expérientiel, c’est-à-dire la volonté de ne pas souffrir des pensées, émotions, sensations corporelles négatives qui caractérisent ces expériences. Nous essayons donc de contrôler ou de supprimer ces expériences négatives, avec pour résultat de diminuer leur fréquence ou leur intensité à court-terme, mais d’augmenter ces ressentis négatifs à long terme. L’évitement expérientiel chronique peut avoir pour conséquence de créer une inflexibilité psychologique et comportementale se traduisant par des difficultés à fonctionner normalement.

Pour le traitement de l'insomnie 

La Thérapie Comportementale et Cognitive de l’insomnie est le traitement officiellement recommandé pour l’insomnie chronique. La TCC-I regroup un ensemble de méthodes cognitives et comportementales basées sur les connaissances scientifiques en physiologie du sommeil. Elles doivent comporter au moins 4 des 5 composantes suivantes :

  • restriction de sommeil : limiter le temps passé au lit à la durée moyenne de sommeil relevée au cours des semaines précédentes
  • contrôle du stimulus : réduire l’association chambre à coucher - insomnie en quittant systématiquement la chambre en cas d’endormissement ou d’éveil nocturne de plus de 20 minutes
  • hygiène de sommeil : gestion des habitudes diurnes et nocturnes pouvant nuire au sommeil (activités, alimentation et environnement du dormeur)
  • restructuration cognitive : modification des pensées et des croyances relatives à l'insomnie et à ses conséquences
  • relaxation

Ce traitement est efficace contre les insomnies associées ou non avec des comorbidités médicales ou psychiatriques. Aussi efficace que les traitements médicamenteux sur le moyen terme, la TCC-I apporte des bénéfices plus durables que les hypnotiques sur le long terme (Morin et al., 2006; Schutte-Rodin et al., 2008). Cependant, 19 à 26% des patients ne montrent pas d’amélioration suite au traitement (Morin et al., 2006). Il est donc nécessaire d’apporter des améliorations et de repenser certains aspects du traitement.

L'ACT-i (prononcez « acte-i ») est un traitement de l’insomnie alliant les composantes comportementales efficaces de la TCC-i avec des stratégies appartenant à la dernière génération de TCC. Parmi celles-ci figure l’ACT, une approche proposant un changement radical par rapport aux précédentes vagues thérapeutiques : plutôt que de chercher à modifier, diminuer ou substituer certaines de nos pensées et de nos émotions, l’ACT vise à modifier la relation que nous entretenons avec ces pensées et émotions. L’ACT propose un travail à l’aide de différents processus, dont la pleine conscience, dont le but est d’abandonner la lutte contre la souffrance au profit de multiplier les comportements qui améliorent notre vie. Les processus de l’ACT entraînent une augmentation de la qualité de vie, fortement impactée par l’insomnie, qui n’est pas directement ciblée par la TCC-i. Aussi, l’ACT permet de mettre en place plus facilement les changements comportementaux qui sont au cœur de la thérapie du sommeil. Ainsi, si vous avez déjà réalisé une TCC de l’insomnie qui n’a montré que peu ou pas de résultats, vous pouvez réaliser avec profit une ACT-i.

Références bibliographiques

Blais, F.C., Gendron, L., Mimeault V., & Morin, C., « Evaluation of insomnia: validity of 3 questionnaires », L’Encéphale, 1997, 23(6):447-453.

Chapoutot M, Peter-Derex L, Schoendorff B, Faivre T, Bastuji H, Putois B., « Telehealth-delivered CBT-I programme enhanced by acceptance and commitment therapy for insomnia and hypnotic dependence: A pilot randomized controlled trial », Journal of Sleep Research, 2020.

Dalrymple, K. L., Fiorentino, L., Politi, M. C., & Posner, D, « Incorporating Principles from Acceptance and Commitment Therapy into Cognitive-Behavioral Therapy for Insomnia: A Case Example », Journal of Contemporary Psychotherapy, 2010, 40(4), 209–217.

Hayes, S. C., Strosahl, K., & Wilson, K. G, Acceptance and Commitment Therapy: An Experiential Approach to Behavior Change. Guilford Press, 1999.

Hayes, S. C., Luoma, J. B., Bond, F. W., Masuda, A., & Lillis, J., « Acceptance and Commitment Therapy: Model, processes and outcomes », Behaviour Research and Therapy, 2006, 44, 1–25.

Hertenstein, E., Thiel, N., Lüking, M., Külz, A. K., Schramm, E., Baglioni, C., Spiegelhalder, K.· Riemann, D., Nissen, C., « Quality of life improvements after acceptance and commitment therapy in nonresponders to cognitive behavioral therapy for primary insomnia », Psychotherapy and Psychosomatics, 2014, 83(6), 371–3.

Hubbling, A., Reilly-Spong, M., Kreitzer, M. J., & Gross, C. R., « How mindfulness changed my sleep: focus groups with chronic insomnia patients », BMC Complementary and Alternative Medicine, 2014, 14(1), 50.

Netzer, N.C., Stoohs, R.A., Netzer, C.M., Cark, K., Strohl, K.P., « Using the Berlin Questionnaire to identify patients at risk for the sleep apnea syndrome », Ann. Intern. Med., 2003, 131:485-491.

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Ost, L.-G., « Efficacy of the third wave of behavioral therapies: a systematic review and meta-analysis », Behaviour Research and Therapy, 2008, 46(3), 296–321.

Winbush, N. Y., Gross, C. R., & Kreitzer, M. J., « The effects of mindfulness-based stress reduction on sleep disturbance: a systematic review », Explore: Journal of Science and Healing, 2007, 3(6), 585–91.

Walters, A.S., LeBrocq, C., Dhar, A., Hening, W., Rosen, R., Allen, R.P., Trenkwalder, C., « Validation of the International Restless Legs Syndrome Study Group rating scale for restless legs syndrome », Sleep Med, 2003, 4(2):121-3.